dimanche 19 décembre 2010

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants

Après une semaine professionnelle ardue, et personnelle convalescente, me voici comme (presque) prévu avec de nouveaux livres.

Il y a quelques temps, un peu agacée par les derniers prix littéraires adultes, je me suis penchée sur le choix des lycéens pour leur Goncourt 2010.



Le titre avait déjà titillé ma curiosité. La quatrième de couverture m'a convaincue (oui, une quatrième de couv bien faite, c'est rare). La lecture a achevé de me convaincre.
Comme je n'ai pas envie de palabrer pendant trois heures, voici un bref j'aime/j'aime pas qui je l'espère vous donnera envie de feuilleter ces quelques pages d'évasion.

J'aime :
- l'histoire : Michel-Ange qui fuit l'Italie après une querelle avec le pape pour aller construire un pont pour le sultan Bajazet à Constantinople.
- l'atmosphère : entre le dépaysement de l'orientalisme et celui de l'histoire, on se perd avec plaisir dans un monde étranger et en même temps familier.
- le questionnement sur la création : homme, peintre, poète, les héros hésitent entre désirs concrets et absolu, réalité matérielle et aspirations poétiques... un écho particulier dans ma caboche de lectrice.
- l'écriture : très littéraire (parfois même presque précieuse), elle sait aussi devenir charnelle et violente quand le récit en a besoin. Elle nous embarque vite et bien.
- les personnages secondaires de Mesihi et de la chanteuse : ce sont à mon avis eux, les vrais personnages forts de l'histoire. En tout cas, ils m'ont émue et marquée.

Je n'aime pas :
- la brièveté du bouquin : 154 pages, ça se lit très vite. Et certains passages manquent d'approfondissement.
- la fin trop rapide : j'aurais aimé plus de détails, même si j'aime faire travailler mon imagination (et mon ordi pour avoir des précisions historiques sur Michel-Ange).
- la semi-présence des personnages secondaires : particulièrement celui de Mesihi, qui aurait peut-être mérité un plus grand nombre de pages. Mais j'ai conscience que c'est justement la brièveté de ses apparitions qui le met en lumière.

Bilan : un bon choix des lycéens qui, eux, savent encore lire et reconnaître l'émotion quand ils la croisent. Un livre qui se lit vite, et qui a un petit goût de reviens-y.

Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Mathias Enard, 160 pages, Actes Sud, août 2010

dimanche 5 décembre 2010

La semaine prochaine...

un petit compte-rendu du salon du livre et de la presse jeunesse, un voyage avec un peintre italien à Constantinople, et un polar bien intéressant...

dimanche 21 novembre 2010

IL ETAIT UNE FOIS...

Amateurs de contes et de belles images, ouvrez grands les yeux. Voici IL ÉTAIT UNE FOIS... le dernier album illustré par Benjamin Lacombe :



Il était une fois, Benjamin Lacombe et José Pons, Postface de Jean Perrot, 18 pages, Le Seuil Jeunesse, novembre 2010.

samedi 20 novembre 2010

BLANCHE NEIGE, un conte pour enfant?


J'ai reçu il y a peu cet album illustré par Benjamin Lacombe et paru aux Editions MILAN jeunesse.
Je ne vais pas vous mentir : je m'y suis intéressée car je suis particulièrement admirative du travail de cet illustrateur que j'ai découvert par l'intermédiaire du site de la marelle éditions et je vous invite à visiter son blog et son site.

Alors, d'un point de vue graphique : l'album est vraiment très beau, comme d'habitude Benjamin Lacombe ne déçoit pas ses admirateurs.
D'un point de vue personnel : je me suis rendue compte que je n'avais jamais lu de contes de Jacob (1785 - 1863) et Wilhelm (1786 - 1859) Grimm. Comme beaucoup d'entre-nous j'ai connu leurs récits grâce à des films ou des dessins-animés. Comment ai-je pu passer à côté d'eux malgré mon goût pour les histoires?

Bon, j'entame ma lecture du conte des frères linguistes et philologues allemands et plus j'avance et plus les valeurs présentes m'interpellent.

D'abord, ce culte omniprésent de la beauté. Oui la belle-mère en est la preuve mais finalement c'est aussi cette seule beauté qui sauve Blanche-Neige dans ses épreuves. En effet, je cite : " Elle était si belle que le chasseur (chargé de ramené son cœur à la reine) fut saisi de pitié." ou quand les sept nains la découvrent endormie : " - Mon Dieu! Que cette enfant est belle! s'exclamèrent-ils. Leur ravissement fut tel qu'ils ne la réveillèrent point."

Mais que serait-il advenu de Blanche-Neige si elle était née laide?

Ensuite, cette petite allusion au modèle parfait de femme d'intérieur, je cite : "- Si tu veux tenir notre ménage, proposèrent-ils, faire la cuisine et les lits, laver; coudre et tricoter; veiller à l'ordre et à la propreté, tu peux rester chez nous et tu ne manqueras de rien." En d'autres termes, si tu ne sers à rien : la porte est grande ouverte. Tout un programme réjouissant...
L'accord passé, ils la mettent en garde avant de retourner au travail : " - Méfie-toi de ta belle-mère (déjà à l'époque la belle-mère n'avait pas bonne réputation...). [...] Elle ne manquera pas de se venger." Pourtant, Blanche-Neige succombe à la troisième tentative d'assassinat de la marâtre et ce, en dépit de toutes les mises en garde des sept nains désormais en panne de femme de ménage. Force est de constater que la beauté tant vantée dans le récit n'a laissé place ni à un minimum de jugeote ni à l'apprentissage après les erreurs passées. Pas étonnant que certains préjugés masculins restent ancrés encore aujourd'hui dans nos sociétés.

Bref, revenons à nos moutons : Blanche-Neige, raide morte est inhumée dans un somptueux cercueil en verre "afin qu'on puisse la contempler de tous côtés. [ ... ] précisant qu'elle était fille de roi." Pourquoi? Si elle avait été fille de charcutier, aurait-elle eu droit à moins de considération?
Un jour un prince passant par là "fut ébloui par Blanche-Neige. Puis il lut les inscriptions en lettres dorées." La condition sociale de la princesse a-t-elle influencé sa prise de décision? Il dit alors aux sept nains : "- Cédez-moi ce cercueil. Je vous en donnerai ce que vous m'en demanderez."
En voyant les nains hésiter : "- Alors offrez-le moi, si j'étais privé de la vue de Blanche-Neige, ma vie n'aurait plus de sens." Donc le type ne la connaît ni d'Adam ni d'Ève mais veut l'entreposer dans son château pour la contempler pour son bon plaisir. Mais c'est quoi cette espèce de fétichisme malsain? Il n'y a que moi que ça choque? Les nains quant à eux "se laissèrent émouvoir et lui donnèrent le cercueil."
Suite à une manœuvre malencontreuse dans le transport, Blanche-Neige revient d'outre-tombe ( on est loin du baiser donné par le prince dans la version de Disney ) et la belle-mère invitée à son mariage "dut chausser les souliers rougeoyants ( chauffés au préalable "sur des chardons ardents" ) et danser, virer, tourner, tourbillonner au milieu des convives, jusqu'à s'écrouler, morte." En effet, Blanche-Neige avait tout cafté au prince et à l'époque les présumés coupables (ou les sorcières si vous préférez) n'avaient sans doute pas droit à un procès suivi ou non d'un emprisonnement.


Pour conclure : voici donc un conte cruel (pour la belle-mère qui a du avoir chaud aux pieds et pour Blanche-Neige dans le rôle de la belle potiche écervelée) issu d'une autre époque à lire avec beaucoup de second degré dont la lecture mériterait peut-être d'être commentée et expliquée au public auquel il est aussi destiné : nos enfants.

Blanche Neige, texte des frères Grimm, traduction de Suzan Kabok, illustrations de Benjamin Lacombe, 40 pages, Milan Jeunesse, octobre 2010 

samedi 8 mai 2010

Infrarouge


Entre Nancy Huston et moi, c'est une longue histoire d'amour. J'ai découvert Instrument des ténèbres quand j'étais au collège, il y a quatorze ans (oui, ça remonte...) et j'ai eu un coup de coeur, de foudre, de kiffe... comme seuls les adolescents peuvent en avoir. Mais depuis, l'amour s'est approfondi, transformé en une relation durable. J'aime cet auteur, que ce soit pour ses essais, ses nouvelles, ses articles. Aussi, quand j'ai vu au détour d'un couloir d'une grande enseigne (honte sur moi, j'ai trahi mon petit libraire) une TG avec son dernier livre, ma main a jailli spontanément pour saisir l'objet et ne plus le lâcher jusqu'à la caisse.
Le lendemain, au boulot, ravie, je raconte à mes collègues mes achats (Diana Wyne Jones, Antoine d'Agata, John Irving, on y reviendra je l'espère). Quand soudain l'une d'entre elle me demande : "c'est quoi le titre du Huston? et ça parle de quoi? " Silence. Parce que oui, voyez-vous, j'ai sorti le portefeuille sans lire la quatrième pour ne pas dévorer le livre au milieu du magasin, sans même regarder le titre... Une confiance aveugle en cet auteur vous dis-je. J'ai attendu aujourd'hui pour commencer ce nouveau roman. Et je me décolle quelques instants de ma lecture pour vous faire partager mon enthousiasme. 
Comme dirait la collégienne que j'étais à ses copines : "Nancy Huston, c'est trop bien, tu devrais vraiment lire!" 
Même conseil à toi, mon petit lecteur égaré : "Infrarouge, c'est trop bien, lis-le. " Et prends ton temps et ton pieds, parce qu'il te faudra attendre en état de manque quelques années avant le prochain roman. Mais rassure-toi : il reste les essais de la dame, tout aussi excellent.
Bonne lecture!  

Infrarouge, Nancy Huston, Acte Sud, mai 2010, isbn 9782742791071

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