mercredi 7 novembre 2012

Miss Endicott


Londres, quelque part entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Prudence Endicott arrive  en ville pour enterrer sa mère. Décidée à rester, la jeune femme se fait engager comme gouvernante du petit Kévin... le jour. Car la nuit, une autre histoire se joue : Prudence a décidé de reprendre le rôle tenu par sa mère, celui de conciliatrice de la ville. Du racket au tapage nocturne, des bars aux ruelles emplies de brouillard, Prudence est sur tous les fronts pour résoudre les problèmes des pauvres gens. Mais lors d'une enquête de voisinage, elle découvre le monde des Oubliés, qui habitent sous la ville. Et c'est le début d'une aventure qui dépasse tout ce que la jeune femme aurait pu imaginer...

J'ai découvert cette BD par hasard un dimanche alors que j'errais sans but dans les rayons d'une Fnac. (J'avoue, je trompais alors parfois mon libraire spécialisé en BD pour me nourrir le dimanche, mais ça, c'était avant que l'enseigne lâche le festival d'Angoulême pour vendre de l'électroménager. Oui, je sais, c'est la crise. Les gens préfèrent boire du café que de nourrir leur esprit. Passons.) Donc, malgré le bambin braillard qui voulait sa Dora, l'ado boudeuse qui ne comprenait pas que sa mère refuse de lui acheter le CD des chatons qui ne vont que dans une direction, et le mâle à casquette d'une vingtaine d'années qui avait déjà explosé tous les scores sur la console à un jeu de ballon, j'ai été alpaguée en quelques instants seulement par les premières planches. 

Le trait vif n'est pas sans rappeler de loin celui d'un certain Loisel, tout en ayant sa propre signature. Le scénario est dynamique, et le tout créé une atmosphère à l'anglaise d'une Londres fantasmée dans laquelle j'adore me perdre. Un seul reproche : l'aventure est parfois un peu rapide, et on aurait aimé une intrigue un peu plus complexe pour profiter davantage de ce monde si particulier. J'ai attendu quelques mois le deuxième tome et suis un peu déçue par la fin que j'imaginais plus longue. Toujours est-il que j'ai passé un excellent moment, et que le plaisir de se fondre dans le fog est de retour à chaque lecture. 


A lire avec une tasse de bon thé !

A bon lecteur...

Miss Endicott, tomes 1 et 2, Jean-Christophe Derrien et Xavier Fourquemin, Les éditions du Lombard, 2007.

mardi 9 octobre 2012

Crâne de bois

On aurait dit que j'étais un cow-boy pas content, et que je rencontrais Dieu... PAN, t'es mort. Ben non, en fait, j'peux pas mourir, crâne de bois....


Laissons le shérif l'éditeur présenter son poulain.

 " Lincoln est un jeune américain né à la fin du 19e  siècle dans des conditions peu enviables. Orphelin élevé chez les prostituées, il est en colère contre la vie qui pourtant l’a doté d’un esprit bien aiguisé. Considéré rapidement comme un perturbateur inutile à la collectivité, il est jeté hors de son village. Devenu vagabond, il parcourt le pays sans but et sans plaisir. Alors Dieu vient le voir sous les traits d’un paysan quelconque et fait le pari avec Lincoln qu’il connaîtra un jour le bonheur. Pour mettre toutes les chances de son côté, il le rend immortel. Après des débuts difficiles, nos deux personnages vont devenir des compagnons de route. Dieu va tenter de faire de Lincoln un messie d’un genre nouveau, du style super-héros Cow-Boy, mais c’est compter sans la personnalité un peu tordue et manipulatrice de son protégé."

Le septième tome est encore tout chaud sorti du four, que je découvre seulement cette série, un peu honteuse de l'avoir loupée depuis trois ans. Je suis en train de rattraper mon retard à toute vitesse, à force de fous rires que j'espère contagieux. Pour vous situer un peu l'état d'esprit du cow-boy, voici l'une de mes planches préférées (p.14 du tome 1):


Règlement de comptes à O.K. créa... Le texte est grinçant à souhait, les dessins et la mise en scène sont au poil, les couleurs dignes d'un bon western, et tout ça donne envie de tout envoyer balader autour de nous, d'un grand coup de gueule aidé de quelques gestes loufoques.

Pour plus d'infos c'est par ici.

à bon lecteur...

Lincoln, tome 1 : Crâne de bois, de Olivier, Jérôme et Anne-Claire Jouvray, éditions Paquet, 2009

jeudi 4 octobre 2012

Piliers

Voir grandir une revue, la voir évoluer, prendre son envol, et puis un jour se poser, et construire son nid... sa maison d'édition...


C'est avec émotion que j'ai enfin pu tenir entre mes mains le premier né des éditions A verse. Encore plus émue que j'ai retrouvé certains poèmes, en ai découvert de nouveaux, qui ont fait mouche. Je ne sais pas et n'ai jamais su parler de poésie. Les mots d'un poème fissurent trop vite ma carapace pour atteindre le coeur, je ne sais jamais quoi en dire - simplement les ressentir. Et comme Alena chante d'une voix qui accompagne à la perfection les nuits...

"Il faut la suivre au fond de la durée
Sans retourner le visage,
Sans prendre congé,
Mais toujours s'éloignant des autres,
On peut arriver auprès d'elle.
Il faut se déshabituer,
Ne plus chasser l'insomnie
Ni mépriser l'aube.
Et au bord de la falaise
Il faut consentir au vide."

Je vous conseille donc ce recueil, de tout mon coeur. Non seulement vous découvrirez un auteur talentueux qui a encore de nombreuses oeuvres devant elle, mais vous aurez aussi un futur collector des éditions A verse, et surtout, vous participerez à la liberté de la poésie. Et, en ce moment, elle en a bien besoin...

Piliers, Alena Meas, Editions A verse / Literární salon, 2012

mercredi 3 octobre 2012

Mathieu Hidalf...

... est de retour ! ENFIN !!!

 A l'heure où tout le monde ou presque se jette sur un livre qui prend vraiment de la place dans les librairies, mais apparemment pas dans le coeur des critiques, voici celui que j'attendais depuis des mois, depuis précisément la dernière ligne de la page 351 du tome 2...


Le troisième tome des aventures de notre champion du monde de la bêtise ! Fin connaisseur du code juridique parental, incomparable tricheur pourvu qu'on réussisse à lui faire passer une épreuve, parfait gâcheur d'anniversaire royal, Mathieu est de retour pour le pire : son père et le roi, ont décidé de se venger des tours pendables - mais totalement justifiés, il serait intolérable de le nier - qu'il a pu leur jouer, et veulent le marier à la belle et intelligente sa pire ennemie Marie-Marie du Château Boisé. Mais Mathieu, du haut de ses onze ans à d'autres chats à fouetter : l'école d'Elite et le Royaume sont menacés et le garçon se retrouve coupé du reste du monde par le puissant sortilège de Ronces...

J'ai eu tellement de plaisir à retrouver Mathieu et son extraordinaire don pour se fourrer dans les ennuis que je ne peux que souhaiter que cette joie soit contagieuse. Je l'écris et le répèterai sûrement, voici une série pour les 8 ans et plus qui change de ce qu'on peut voir sur les tables des libraires actuellement. C'est succulent, d'une écriture enlevée, avec des personnages tous plus attachants les uns que les autres, très loin du manichéisme (qui a une fâcheuse tendance à être omniprésent dans ce secteur si difficile du "middle-grade"), ça ne s'essouffle pas au bout de trois tomes, bien au contraire, et ça se dévore à une vitesse.... " ça cavale, ça pétille", et comme le dit si bien Timotée de Fombelle : "Au début on croit juste que ce livre est brillant, captivant, léger et irrésistiblement drôle. Le problème est qu'en avançant on découvre que c'est bien pire que cela. Indispensable."
Pour résumer : une série qui va très vite devenir un classique de la littérature jeunesse française.

En espérant vous voir atteints d'Hidalfite aiguë sous peu, je vais de ce pas relire les deux premiers tomes, et attendre avec délice le quatrième tome.

à bon lecteur...

Mathieu Hidalf et le sortilège de Ronces, Gallimard Jeunesse, septembre 2012, 384 pages
A lire aussi et de préférence avant :
Tome 1 : Le premier défi de Mathieu Hidalf, août 2011
Tome 2 : Mathieu Hidalf et la foudre fantôme, décembre 2011

mercredi 19 septembre 2012

Le Sillage de l'oubli



5 contre :
- Parce que franchement, pour le coup de foudre au premier regard, on repassera. En le voyant, on se dit : "Ce qu'il est moche ce livre ! C'est quoi cette couv' marron ? Ouh là, et en plus, il est composé tout petit..." et qu'on marmonne "C'est vraiment pour faire plaisir à mon libraire, et parce qu'il a insisté, non mais vraiment..."
- En lisant la quatrième, on constate que c'est encore un roman " à a la McCarthy". Ils n'en ont pas marre de copier De si jolis chevaux  dans ce lointain pays qui n'est décidément pas pour le vieil homme ?
- Encore un premier roman ? 
- La scène d'ouverture est... sanglante. Le rejet est immédiat.
- La scène de fin vient... trop vite. Finalement, il n'est pas assez long ce livre !

5 pour :
- La scène d'ouverture est si efficace qu'après le premier rejet, on y revient, crevant d'envie de connaître la suite de l'histoire. On se plonge dans le livre... et hop! on n'en ressort pas avant la dernière page. Magique !
- Une narration incroyable qui joue avec le temps et avec l'action : le récit n'est pas chronologique, et les différentes parties se répondent, se complètent, se mélangent à la perfection.
- Une peinture du Texas rural du début du XXe siècle, qui rappelle McCarthy, oui, mais qui le fait très vite oublier tellement la voix qui se dégage du texte est forte. Un style vivant, une (des) histoire(s) captivante(s) : un voyage qui ne s'oublie pas.
- Des personnages... Humains et fiers de l'être, dans leur complexité, détestables et adorables, à l'image de leur pays (celui que je fantasme en tout cas de mon petit coin de France), et d'une telle force !
- Des paysages à couper le souffle, et ces chevaux... ah, ces chevaux...

Conclusion : Mon libraire a toujours raison. Merci mon libraire ! Et je vous laisse, chroniquer ce livre m'a donné envie de relire des passages entiers.

à bon lecteur... 

La Sillage de l'oubli, Bruce Machart, Gallmeister, 2012, 344 pages, traduction brillante de Marc Amfreville

lundi 3 septembre 2012

La vie sexuelle des super-héros


Ou comment parler d'un livre au titre qui non content de m'intriguer, va aussi créer du trafic sur ce blog trop longtemps laissé en friche... (Avec, une fois n'est pas coutume, la couverture de l'édition poche, que je trouve excellente.)

J'ai dévoré ce livre la semaine dernière, alors qu'il n'était que le dernier arrivé dans la longue file d'attente s'entassant au pied de mon bureau. Une page pour goûter au texte, une autre pour confirmer ce que je venais de déguster, une troisième par gourmandise, et le reste parce que l'entrée m'avait mise en appétit.

Petite présentation rapide, tirée de la quatrième de couverture :

«  À New York, au début du vingt et unième siècle, les super-héros sont fatigués : Superman, Batman et les autres ont raccroché les gants, ils sont devenus des hommes et des femmes d'affaires à succès, des vedettes des médias et du spectacle, et ont tous renoncé à leurs super-pouvoirs. Dès lors, qui peut bien vouloir les éliminer un à un ? Car après Robin, l'assistant et ancien amant de Batman, un mystérieux groupe de tueurs menace d'autres cibles. Mister Fantastic et Mystique reçoivent eux aussi d'étranges messages d'adieu, et il semble bien que ce soit dans leur vie privée et leurs comportements sexuels qu'on veuille les frapper. »

Voici en 5 points, ce qui m'a plu dans ce livre :
- une ressemblance assumée avec le Watchmen de Moore, mais avec une amertume post 11-septembre teintée d'un cynisme mordant savoureux et beaucoup plus désabusé (si, c'est possible).
- retrouver les super-héros qui ont bercé mon enfance et mon adolescence en situation délicate, en proie aux soucis du quotidien, comme tout un chacun, et décrits de façon irrévérencieuse mais tellement délicieuse !
- le jeu de cache-cache permanent avec les clichés propres à ce genre de personnages. L'auteur parvient avec brio à rendre ces surhommes humains, au-delà du ridicule et du pathétique. On se prend à les aimer davantage, passé les premières désorientations dues au décalage entre le mythe nostalgique et nos héros déboussolés.
- un style vif et imagé, mais qui prend le temps de contempler et de s'interroger quand il le faut. Beau choix de vocabulaire pour certains passages. Beau travail de l'auteur et du traducteur !
- un humour noir beaucoup plus débridé que ce qu'on pourrait croire, qui vise et touche dans le mille avant même qu'on s'en rende compte. J'ai relu des passages entiers, le sourire en coin frémissant.

J'espère vous avoir mis l'eau à la bouche.
En attendant le prochain livre, à vos lectures !

La vie sexuelle des super-héros, Marco Mancassola, Gallimard, 2011, 552 pages, traduction de Vincent Raynaud ; Folio, mai 2012

Merci à Tery, petite abeille sans qui je n'aurais pas lu ce très bon roman.

lundi 13 février 2012

L'étrange voyage de Monsieur Daldry


Si vous aimez les parfums de jardins, de vieux cuir et de bois, la peinture, les histoires de demoiselles à la recherche de l'âme soeur et les voyages, vous allez adorer le dernier roman de Marc Levy.

"L'homme qui va le plus compter dans ta vie vient de passer dans ton dos. Pour le retrouver, tu devras entreprendre un long voyage et rencontrer six personnes qui te mèneront jusqu'à lui...
Il y a deux vies en toi, Alice. Celle que tu connais et une autre, qui t'attend depuis toujours."

L'histoire se situe à Londres en 1950. Alice vit seule dans un vieil immeuble où elle créée des parfums, sa passion. Elle a quatre amis : Sam libraire et contrebassiste, Anton menuisier et trompettiste, Carol infirmière à l'hôpital de Chelsea et Eddy chanteur à la gare Victoria et dans les pubs parfois.
La veille de Noël, ils décident tous les cinq de se rendre à la fête foraine de Brighton. En fin de journée, prêts à reprendre leur train vers Londres, ils s'arrêtent devant un kiosque où une diseuse de bonne aventure propose ses services pour quelques pennies. Septique mais poussée par ses amies, Alice passent quelques minutes avec la femme qui lui révèle des bribes d'un passé et d'un avenir qui lui paraissent improbables. 
Troublée par ces révélations auxquelles elle n'ose croire, les journées et les nuits d'Alice sont remplies de doutes et de cauchemars. Alors qu'elle se retrouve seule le soir de Noël, elle finit par se confier à son voisin de palier Monsieur Daldry, peintre et célibataire endurci. Ce dernier diplomate et persuasif lui propose de financer et de l'accompagner dans son voyage afin de retrouver les six personnes qui doivent la conduire vers sa destinée. Mais quelles sont les véritables motivations de ce voisin si attentionné? 

Ce roman est une merveille. Les personnages sont pleins d'humour et ont chacun un caractère bien trempé. Les parfums, les paysages, restaurants et pubs de Londres ou d'Istanbul y sont magnifiquement décrits. On se prend à mener l'enquête avec Alice et Daldry sur les rives du Bosphore
Un roman à savourer sans modération.

L'étrange voyage de Monsieur Daldry, Marc Levy, Robert Laffont, 432 pages, avril 2011.

lecteurs